Sans surprise, nous nous n’avons pas d’avis définitif sur cette question. Par contre nous avons regroupé quelques extraits qui évoquent le sujet.
Trois extraits pour être précis, et qui donnent plutôt le point de vue écossais. Ils s’accordent tous sur un point : le cachemire écossais est plus doux sur la durée.
S’il est certain que les écossais ont la plus longue expérience en terme de traitement du cachemire au monde, nul doute qu’il serait également intéressant d’avoir l’avis d’une entreprise italienne et chinoise pour compléter le propos.
N’hésitez pas à également à nous dire en commentaire votre retour d’expérience sur le cachemire écossais et/ou italien.
Put This On : J'ai remarqué que mes pulls William Lockie sont différents – ils ne sont pas aussi doux que les tricots en cachemire italiens, mais ils sont beaucoup plus résistants. C'est presque comme si vous cassiez l’âpreté au fil du temps, comme un jean brut, plutôt que de commencer avec un pull très doux. Pourquoi donc?
Allan Gilchrist : Les pulls italiens ont tendance à être plus à la mode. Beaucoup sont même ce que vous pourriez qualifier de “haute couture”. Ainsi, le client ne se soucie pas autant de la longévité - il se soucie davantage de la coupe et du motif, qui peuvent être très actuels, mais ne sont pas censés durer éternellement. Un pull écossais, en revanche, a tendance à être plus classique en terme de design, il est donc censé durer toute une vie. La force de l'industrie italienne de la maille réside davantage dans la conception.
Ce qui signifie que les pulls italiens sont souvent fabriqués différemment. D'une part, beaucoup ne sont même pas fully fashionned, ce qui signifie que les extrémités ne sont pas remaillée point par point, comme nous le faisons ici à Hawick. Ils ont également tendance à être très doux au début afin d'impressionner le client, de sorte qu'ils aiment la main et le toucher lorsque les vendeurs leur donnent un pull. C'est bien quand un pull est doux, mais parfois il peut être trop doux. Et s'il est trop doux, le vêtement n'a pas assez de corps, ce qui signifie qu'il s'étire au fil du temps à cause de lavages et des ports répétés. Il n'y a pas assez de densité dans le tricot, même s'ils utilisent un fil de qualité.
Avec les tricots écossais, cependant, nous utilisons non seulement les fils de la meilleure qualité, mais nous tricotons également à une tension plus forte. Cela donne un pull plus dense et légèrement plus lourd, et qui conserve sa forme au fil du temps. Vous voulez toucher un juste milieu. Vous voulez un vêtement suffisamment doux pour impressionner le client au début, tout en lui donnant le genre de longévité qui justifie le prix. Tricoter serré, c'est aussi utiliser plus de matière première, c'est pourquoi on ne voit pas ce genre de qualité sur des pulls bas de gamme.
J'ai toujours pensé que la douceur venait du processus de lavage, ce qu'on appelle le “milling process”. C'est comme une machine à laver, où un pull est immergé puis battu un peu pour l’adoucir. N'est-ce pas aussi l'une des manières d'adoucir un pull ?
Oui, il y a ça aussi. Lorsque nous recevons nos fils des filateurs, ils contiennent des huiles – nous les appelons gras. Ces huiles aident à assouplir le fil lorsqu'elles passent sur les aiguilles. Il y a jusqu’à neuf parties différentes pour faire un pull - vous devez faire le devant, le derrière, le poignet gauche et la manche gauche, le poignet droit et la manche droite, puis le cou. Il y a beaucoup à tricoter, et une fois les pièces réalisées, elles sont reliées entre elles par un processus de remaillage à la main. Et une fois fait, on lave le vêtement pour en retirer les huiles. C'est alors que le vêtement devient plus doux.
Il y a toujours quelqu'un en charge de ce processus de lavage, ou comme vous l'appelez correctement, le milling process. Et il faut des années d'expérience pour bien faire les choses. La personne doit retirer le vêtement juste au bon moment. Il faut donc un peu d'habileté pour s'assurer que les pulls sont lavés juste assez et pas plus.
Allan Gilchrist commercial chez William Lockie pour Put This On, Janvier 2019
Un producteur (NDLR : que l’on devine écossais) […] : “Ils s’attendent à de la douceur, tout de suite, mais un cachemire de bonne qualité est d’abord un peu rêche et s’améliore après quelques lavages. Si les fibres sont courtes, les extrémités des brins vont sortir du fil et donner une matière plus douce au toucher. Mais à terme le pull va boulocher et sera de mauvaise qualité”
Si certains paramètres sont visibles, comme l’épaisseur ou le poids du produit, le nombre de fils, la densité des mailles, les remaillages aux poignets et au col, beaucoup ne le sont pas. C’est le cas de la qualité de la fibre, des processus de teinture employés, de l’usage de produits chimiques…Et ces derniers ne se révéleront qu’avec le temps. Même pour des spécialistes, la distinction de prime abord peut être difficile à opérer
Victor Chevrillon, Les routes du cachemire - Enquête sur une filière cousue d'or, Les Peregrines Eds, 2020
D’ailleurs plus on lave le cachemire, plus la fibre s’ouvre et plus il est doux. C’est pour ça que nous notre cachemire est un peu plus rêche que les cachemires qui sont italiens. Les cachemires écossais sont un peu plus bruts au départ. Après au fur et à mesure qu’on le lave, la fibre s’ouvre et c’est là qu’on a la douceur qui apparaît. Mais c’est intéressant de voir le cachemire quand il n’est pas lavé. En fait, au départ le cachemire c’est presque comme une toile de coton, hyper rêche.
Justement il y a toute une étape qui s’appelle le lavage où il y a un pourcentage de rétrécissement. Les pièces sont beaucoup plus grandes et une fois qu’on les lave elles rétrécissent et elles deviennent douces au moment de ce lavage.
Le lavage de Barrie est assez connu pour ça, parce qu’ils prennent l’eau du lac qu’il a à côté et ils lavent avec. Ce sont les degrés de PH et ces choses là […]Et c’est pour ça que les lavages écossais ne sont pas les mêmes que les lavages italiens.
Augustin Dol-Maillot, directeur artistique de BARRIE, vidéo YouTube BARRIE: LE CACHEMIRE À LA MODE + MOODBOARD ÉCOSSE! par Loic Prigent, 2021