J.Crew Giant chino

 
 

Texte : Romain @Lastrolab

Vous avez peut-être senti cet été la petite secousse qui a interrompu le ronronnement de la mode masculine. Vous êtes plus probablement passé à côté car vous étiez en vacances en train de prendre vos negroni en photo et car l’épicentre se trouvait sur la côte Est des Etats-Unis, à New York. 

Le 25 juillet dernier, la marque américaine J. Crew publiait en ligne son look book pour la rentrée 2022. En soi, la nouvelle aurait pu être un non-événement. La marque qui a connu ses heures de gloires dans les années 90 était en perte de vitesse ces dernières années et a frôlé la banqueroute en 2020. 

Depuis les années 2000, J. Crew est connue pour son fameux costume « ludlow ». Un costume modérément slim fit, pantalon taille basse et veste ras les fesses. Une entrée de gamme accessible financièrement et géographiquement (quelques 127 boutiques quadrillent les Etats-Unis) devenue un classique pour le jeune américain soucieux de se différencier de son père et de son costume Brooks Brothers. 

Alors pourquoi l’annonce de cette nouvelle collection a été au centre des conversations estivales ? Car il s’agissait de la première collection conçue par Brendon Babenzien. Si le nom de ce natif de Long Island, NY, ne vous parle pas, peut-être que son parcours vous permettra de mieux le situer. Après une quinzaine d’années à la tête de la création chez Supreme, Monsieur Babenzien dirige depuis 2015 sa propre marque, Noah. Un profil streetwear séduisant pour J. Crew à la recherche d’une image neuve.

Les attentes étaient donc hautes. Si, à la sortie du look book, une bonne partie des commentateurs se sont exclamés « J. Crew est de retour ! », certains se sont aussi demandé « J. Crew est de retour ? ». Pour un petit français qui n’a jamais connu la marque, la question revêt assez peu d’intérêt. Comment J. Crew pourrait être de retour sans jamais avoir été là…

En parcourant le catalogue en ligne, une chose est sûre, la marque a su saisir l’air du temps. Les looks mélangent un vestiaire traditionnel avec des pièces d’origine work/streetwear qui n’est pas sans rappeler Noah (au hasard) ou Aimé Leon Dore, avec qui il est difficile de ne pas faire de comparaison, voire Drake’s (dans une traduction au vocabulaire plus européen). D’ailleurs, cette nouvelle esthétique décevra probablement les adeptes des moodboards des années 1990 (#oldjcrew). 

Bien sûr, s’il fallait placer le curseur chez J. Crew, il serait davantage du côté preppy ou ivy que streetwear. Les imprimés sont plus sages que chez ALD ou Noah. Les mannequins rigolent gentiment sur le ponton de leur maison au bord du lac au lieu de fixer l’appareil photo d’un air défiant. On veut bien s’encanailler mais restons quand-même en Nouvelle Angleterre. 

Par curiosité, je suis allé regarder ce qui était disponible sur la boutique en ligne lors de la sortie du lookbook. Quelques pièces ont  attiré mon attention (des chemises aux imprimés cachemire, un pull en coton à grosse maille…), mais parmi les produits proposés, rien ne me paraissait combler un manque grave dans ma garde-robe et justifiant un achat. C’est logique, la marque s’adresse au grand public. Les obsédés du vêtement, eux, n’ont pas attendu 2022 pour acheter un sweat de rugby, une chemise en oxford, un pull façon shetland ou un chino... 

À propos de chino, un modèle en particulier a fait couler beaucoup de pixels à sa sortie : Le Giant Chino. Parmi ses coupes de chino, de la plus ajustée à la plus droite, J. Crew a sorti de ses archives le Giant Fit. Je connais mal l’histoire de la marque, mais la résurrection du Giant Chino semblait être l’événement dans l’événement. Ce qui tombait bien car j’étais à la recherche d’un chino sans pli à la coupe ample, dans l’esprit des officer chinos de Ralph Lauren, et surtout de leur version originale de l’armée américaine (on y revient toujours). Finalement, l’achat se justifiait.

Quelques semaines et 120 € (80 $ sur le site US...) plus tard, le chino tant attendu était là. Et c’est tant mieux car il était en rupture de stock sur le site. 

Capture écran Twitter, Rachel Seville Tashjian

En enfilant le pantalon, la première promesse est remplie, c’est ample, très ample. La coupe est exactement ce que j’attendais, relativement ajustée au bassin et relâchée de la cuisse jusqu’à la cheville. L’ouverture de jambe est à 26 cm (contre 23 sur le fameux « French Army Chino »). Je m’attendais à un vanity sizing et je confirme que j’ai bien fait de commander une taille en dessous de ce que je porte habituellement (deux auraient même pu s’envisager). La taille est modérément haute, comme il faut. 

La toile 100 % coton est épaisse, ce qui donne une belle tenue au pantalon. C’est justement ce que je reproche au chino de l’armée française : la toile est très légère, c’est parfait pour l’été mais le pantalon devient vite difforme. Ici, au contraire, le pantalon se tient bien toute la journée, la ligne est droite jusqu’à la cheville. 

Chose étonnante, le chino est fini en bas avec un revers de 4 cm. Le résultat est beau, mais je ne sais pas si j’aurais fait un revers sur un chino. Comme le bas est fini, une seule longueur est disponible : 32 pouces. Ce sera trop court pour certains, trop long pour d’autres. Pour moi c’est parfait. En serrant la ceinture, j’exhibe mes chevilles (comme sur les photos), en la relâchant je les couvre. Pour les autres, il faudra rouler à la main ou passer chez le retoucheur.

Le niveau de finition est très bon pour le prix. Sans fioritures, les coutures machines sont nettes et ont l’air solides (notamment la double couture à l’extérieur de la jambe). On apprécie quand même un gançage et une doublure en coton blanc qui apportent une touche de raffinement à l’intérieur. 

Avec un peu de recul, je suis très content de cet achat. La coupe est exactement ce que je cherchais, la qualité est bonne pour le prix. Je peux enfin arrêter de chercher en vain des chinos vintage de l’armée américaine. Bon, peut-être que je garderai un œil ouvert car, ce qui manque au Giant Chino, c’est une petite poche gousset, mais nul n’est parfait.