SuperStitch - Jeans USA made in Japan
/Indispensable : « dont on ne peut pas se passer ». Certaines pièces de vêtements sont primordiales, essentielles pour la construction de son style personnel : le jeans en fait assurément partie. Demandez à quiconque de vous donner son modèle et marque de jeans fétiche, vous obtiendrez autant de réponses que de questions. Le denim est une affaire sérieuse. Si les Japonais incarnent aujourd’hui le renouveau du jeans, l’histoire de ce dernier prend racine aux USA. Avec la fermeture de White Oak, la mythique usine de fabrication de denim « Made in USA » en 2017, le jeans n’a cessé de fasciner, intriguer et nourrir des fantasmes les plus fous.
Une nouvelle marque de jeans parisienne fait la synthèse de ces mondes : SuperStitch.
Décryptage.
Histoire de SuperStitch
SuperStitch est la vision d’Arthur Leclercq, passionné de denim. Son aventure débute alors qu’il n’a que 14 ans, année durant laquelle il reçoit son premier jeans « Selvedge ». Un mot qui est la contraction de l’expression « self-finished edge » qui signifie « bordure finie sur elle-même » : une bordure caractéristique qui forme le fameux liseré selvedge qui parcourt la longueur de la toile, des deux côtés.
En 2016, Arthur décide de s’offrir une vieille machine Union Special « point de chaînette » des années 1940 afin de reproduire des ourlets originaux sur ses propres jeans et obtenir le convoité « roping effect ». La même année, il acquiert une machine Singer vintage, afin de proposer un service d’entretien global du denim, comprenant réparations et personnalisations.
L’ourleuse utilisée par Arthur, l’Union Special 43200 G, était originellement utilisée dans les usines Levi’s dans les années 1940 à 1970. Depuis les années 1980, les ourlets des jeans ont perdu la faculté du « roping effect » : le but de SuperStitch est donc la recherche du denim de cet âge d’or perdu. Le « roping effect » est en fait un défaut de la machine, qui décale le tissu pendant la couture et lui confère des vaguelettes.
Cet effet ressemble à une corde et devient apparent au fur et à mesure des lavages. En effet, la plupart des ourlets visibles sur les jeans d’aujourd’hui sont exécutés sur des machines modernes dénuées de ce défaut et qui ne créeront donc pas cet « effet corde » tant recherché par les connaisseurs.
SuperStitch propose également toutes sortes de réparations pour remédier aux trous dus à l’usure par exemple – grâce à la technique du « darning » – mais aussi des refuselages depuis l’intérieur de la jambe en conservant le montage d’origine. La personnalisation de toutes pièces en denim est également une spécialité de SuperStitch. Si vous ne savez pas comment laver votre jeans, vous pouvez le confier à Arthur qui le fera avec sa « lessive spéciale denim SSD » développée par ses propres soins.
SuperStitch est donc plus qu’un simple atelier de réparations, il est un véritable univers à part entière consacré au denim. En mars 2020, Arthur a ouvert sa première boutique parisienne au numéro 13 de la Rue Racine, dans le quartier de l’Odéon à Paris. Il y propose le nouveau venu de l’aventure SuperStitch : le jeans LR-01.
Entretien avec Arthur - SuperStitch
Pourquoi les années 60-70 représentent-elles un intérêt pour toi au niveau du denim ?
L’âge d’or du jeans se situe entre les années ‘40 et la fin des années ‘70, disons ’78. Les années 60-70 sont importantes car le volume, le fit et la toile utilisée par Levi’s durant ces années sont toujours contemporains et actuels. Les jeans des années 1940 à fin 1950 sont superbes et très inspirants mais je trouve que le meilleur compromis en termes de hauteur de taille, de ligne de jambe, de volume, de montage et de toile, ça reste les jeans des années fin 1960 début des années 1970.
Quel jeans portais-tu avant de lancer la production du tien et pourquoi ?
J’ai porté pas mal de marques de jeans différentes, j’ai un peu tout testé sur le marché. J’ai porté évidemment beaucoup d’Edwin car j’ai travaillé pour la marque pendant plus de cinq ans. J’ai porté du Orslow, Warehouse, Resolute et pas mal de marques japonaises inconnues aussi. Celui que j’ai porté le plus est le Resolute, notamment le 710 et le 711 car c’est celui qui se rapproche le plus des originaux Levi’s. Mais il y avait tout de même pas mal de choses qui me déplaisaient dans ce jeans et c’est pour ça que j’ai décidé de développer le mien. Mon jeans part vraiment d’une grosse frustration car je n’ai jamais trouvé sur le marché le jeans qui me correspondait à 100%.
Pour quelqu’un qui est totalement novice et qui souhaiterait acquérir un bon jeans, quels conseils lui donnerais-tu ?
Alors, il y a plusieurs points ! Ce n’est pas une question facile. Le premier point est pour moi de ne pas regarder les conseils que l’on donne habituellement et éviter de se concentrer sur le fait que ce soit une toile selvedge exclusivement, car on s’en fout. Je pense que le plus important est que lorsqu’on touche la toile du jeans, qu’elle donne l’impression d’être robuste et à la fois confortable à porter.
Le deuxième point à regarder est le montage. Il faut que celui-ci soit cohérent par rapport à l’époque de référence du jeans, il faut éviter les jeans où il y a trop de chichis : les rivets estampillés, les coutures d’une certaine couleur, les doublures à l’intérieur des poches de derrière. Ce sont des artifices qui montrent que la personne qui a dessiné le jeans n’y connaît pas grand-chose.
L’important est de voir que le jeans tient bien au niveau de la taille, qu’il est confortable, qu’il plaque bien au niveau des fesses – en haut des fesses plus précisément – en bas du dos il faut bien qu’il plaque. Il faut qu’il ait suffisamment de volume aux cuisses pour être confortable mais pas trop non plus, il faut que la jambe soit assez droite – je conseille toujours une jambe droite à l’inverse d’un jeans trop serré en bas. Ce qui est important ce sont les petits détails tels que les passants, qu’ils soient standards et non doublés à l’intérieur. Il faut que ça se rapproche au plus près de ce que faisait Levi’s car finalement, rajouter des artifices, c’est essayer de réinventer la roue, il n’y a pas vraiment d’intérêt ! Ce que Levi’s a fait à l’époque est très bien, les vintages d’époque sont très bien. C’est un peu ce que j’ai voulu faire avec mon jeans : retrouver cette qualité de couture d’époque, de montage, de tissu ; je n’ai rien fait de révolutionnaire !
Test du jeans LR-01
Le jeans fait partie de mes fameuses « OVC » ou « Obsessions Vestimentaires Compulsives » dont j’ai pu vous parler ici, là ou encore ici. La recherche du jeans et du fit parfait est une quête éternelle et ne peut-être que personnelle.
Il y a peu, je me suis mis à la recherche d’un jeans taille haute, selvedge et aux influences américaines et japonaises à la fois. J’ai trouvé celui de la marque suédoise Berg & Berg, dont j’ai testé le trench ici. Il est taille haute avec une toile japonaise mais je cherchais tout de même encore un jeans, pour élargir mes possibilités et mes « wardrobe rotations » : la faculté de pouvoir changer les pièces de sa garde-robe pour les laisser reposer afin de ne pas les porter plusieurs jours de suite ; indispensable pour la durée de vie de vos souliers !
Je rencontre Arthur il y a un an, dans le 16ème arrondissement où il tenait son atelier. Je lui apporte ce fameux jeans suédois afin qu’il me l’altère, notamment les jambes et surtout au niveau de la longueur. J’aurai pu aller chez n’importe quel retoucheur pour ces retouches. Mais avec son œil d’expert, Arthur a tout de suite su ce que je recherchais et m’a expliqué comment il allait procéder sur mon jeans. Je suis très satisfait du résultat : le jeans me sied parfaitement et le « roping effect » fait son apparition à la suite des lavages !
Lorsque j’apprends qu’Arthur lance son jeans SuperStitch, c’est donc tout naturellement que je décide de m’en procurer un. Le premier modèle est baptisé « LR-01 », dédicace à ses grands-parents, Lydie et René.
Le denim SuperStitch présente les caractéristiques techniques et les méthodes de conception de l’ère favorite d’Arthur, les années 1960 – 1970. En effet, Arthur a pensé au confort et au fit avant tout : c'est pourquoi, la partie haute du jeans est conçue pour épouser parfaitement l'anatomie du corps. Évidemment, en tant que retoucheur expert, le bas non-fini permet de choisir une longueur sur-mesure : Arthur s’occupe de couper le jeans à votre convenance pour un « roping effect » garantie !
Le jeans est taille haute avec jambe droite ainsi qu’un « leg twist » et « 66 type effect ». Les boutons de fermeture sont en cuivre et les rivets en aluminium. Le jeans est cousu en « single stitch », caractéristique du début des années 1970 ; les fils sont en polycore pour plus de brillance, la toile est du 14 Oz Loomstate selvedge provenant d’Hiroshima. Le tout est fabriqué au Japon.
Les doubles influences de ce jeans sont présentes - les USA et le Japon - tel un savant mélange et parfait équilibre étudié, inlassablement. Cette « quête » du jeans parfait pour Arthur est poussée loin, et c’est précisément cela qui me plaît.
Le denim SuperStitch regorge également de détails techniques au plus haut point tout en restant sobre. La toile est d’un beau bleu indigo profond : je ne peux que vous conseiller de laver votre jeans afin qu’il se patine. Car oui, il faut laver ses jeans ! Conseil de pro : laver son jeans à l’envers avec les boutons fermés à 30 degrés en cycle délicat, sans essorage. Libre à vous de ne pas le laver – il existe un éternel débat de savoir si un jeans doit ou non être lavé et de quelle façon – Arthur est clair sur ce point : si vous ne lavez pas votre jeans, non seulement la toile deviendra sale mais elle se déchirera plus facilement car des impuretés se logeront entre les fils de coton, rigidifiant la toile qui perdra ainsi de son élasticité naturelle.
Concernant le sizing, le jeans taille normalement. Je vous conseille ainsi de prendre votre taille habituelle. J’ai hésité quelques instants quant à ma taille, oscillant entre un 29 et un 30. J’ai finalement choisi la taille 29 sur les conseils d’Arthur : le jeans se détendra au fur et à mesure des ports et se patinera. Le choix de la taille est un facteur très personnel, rien ne vous empêche de size-up – prendre la taille au-dessus de celle habituelle – mais il faut garder à l’esprit qu’un jeans selvedge doit serrer légèrement, notamment au niveau de la taille.
Le LR-01 épouse parfaitement la silhouette et la met bien en valeur. La taille haute du jeans me permet d’effectuer des mouvements amples avec une grande facilité. Autre point important, la texture de la toile denim. Elle n’est pas cartonneuse mais plutôt douce au toucher : plus le jeans sera lavé, plus la toile s’adoucira. Si vous souhaitez accélérer le processus de délavage, Arthur a mis au point une lessive spéciale « SSD » qui transformera votre paire en magnifiques fades – ou « délavages ».
La taille haute du LR-01 est immensément appréciée ! Enfin un jeans confortable qui met en valeur son porteur : ni trop serré, ni trop ample.
Conclusion
Le jeans SuperStitch s’adresse à la fois au connaisseur comme au novice : un jeans japonais aux influences américaines, simple. Je suis amplement satisfait de ce denim ! La toile n’étant pas très lourde, il reste portable l’été – hors épisode caniculaire.
N’hésitez surtout pas à contacter directement Arthur sur sa page Instagram, ou tout simplement vous rendre en boutique, ne serait-ce que pour découvrir le lieu, nouveau temple du denim français.