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BEAMS PLUS - Test et avis d'un manteau en Harris Tweed

Une marque de vêtements japonaise qui puise son inspiration dans le pays de l’Oncle Sam ou celui du Vieux Continent est un fait relativement fréquent. Une marque de vêtements japonaise disponible en Europe est en revanche un fait rare. C’est précisément le cas de la maison nippone BEAMS qui porte bien son nom : « beams » signifiant « rayonner » en Anglais.

Décryptage.

Histoire de la marque BEAMS

La première boutique BEAMS ouvre ses portes en février 1976 et n’est qu’un minuscule espace de 21,5m2 mais déjà situé dans l’immeuble qui deviendra ultérieurement le flagship de la marque, BEAMS HARAJUKU.

La boutique n’est d’abord qu’une réunion de multimarques qui vend des produits issus des États-Unis. L’atmosphère qui y règne est celle d’une « chambre d’étudiant sur le campus d’UCLA » selon les mots du fondateur, Etsuzo Shitara. Les années 1960 et 1970 sont une époque foisonnante en termes de recherches stylistiques au Japon, ce n’est donc pas une coïncidence si le magazine japonais Popeye fait son apparition au même moment : le Japon puise son inspiration dans le style des universités de l’Ivy League américaine (composée des 8 « meilleures » universités du pays : Brown, Columbia, Cornell, Dartmouth, Harvard, University of Pennsylvania, Harvard, Princeton et Yale). En hommage à cet héritage, la boutique se nomme dans un premier temps « American Life Shop BEAMS ». En l’espace de peu de temps, l’entreprise grandit et propose des vêtements inspirés de l’East Coast, mais également d’Europe, en créant son label BEAMS F (pour « Future ») et International Gallery BEAMS respectivement en 1978 et 1981.

Avec une demande de plus en plus croissante, BEAMS propose, à compter de 1984, sa première marque exclusivement pour femmes : Ray BEAMS. La marque se compose ainsi d’un conglomérat d’autres marques – 30 au total ! – mais la maison mère reste BEAMS. Toutes ces marques ont leurs propres magasins. De nouveaux styles de vêtements sont ajoutés et développés au fur et à mesure : pour chacune de ces marques – ou magasins – la maison mère propose sa propre vision Japonaise de vêtements iconiques inspirés des courants internationaux qui la traversent. On parle alors de création in-house qui étoffe l’offre – déjà bien large – du groupe.

BEAMS a la réputation d’une marque solide et est souvent connue pour ses différentes collaborations. A cette occasion les acheteurs de BEAMS demandaient régulièrement des tailles spécifiques pour les Japonais ou des détails spécifiques. Des acheteurs (Shuhei Nishiguchi, Tatsuya Nakamur, Motofumi Koggi…) qui connaissent d’ailleurs un certain succès sur les réseaux sociaux, comme en témoigne leur compte sur Instagram. Pour les consulter c’est par ici.

En 1997, la marque collabore même avec Motorola afin de produire des téléphones mobiles ainsi que des vêtements gadget-compatibles, une initiative couronnée de succès au Japon.

En 1999, BEAMS Plus voit le jour : une nouvelle aventure commence pour le groupe. C’est une marque de vêtements qui propose des vêtements « classiques Américains » avec une attention particulière donnée aux détails et aux matières propres au Japon. Il ne s’agit pas pour autant de regarder le passé et de glorifier la nostalgie américaine – à ce propos, je vous recommande chaudement la lecture du magnifique livre Ametora de David Marx qui retrace l’amour du style Ivy entretenu par les étudiants Japonais dans les années 1960 –, chaque pièce est unique et revisitée avec une touche d’authenticité.

Aujourd’hui encore, BEAMS est toujours basé à Tokyo. Yo Shitara, le fils du fondateur, est l’actuel président du groupe ce qui renforce le sentiment familial au sein de cet empire. L’armada BEAMS est composé d’environ 150 magasins nippons, mais également de boutiques internationales telles que Taipei, Hong Kong, Pékin ou encore Bangkok.

Chez BEAMS, rien n’est laissé au hasard. Il suffit de se pencher sur la philosophie de la marque pour le comprendre :

« We provide value that transcends material satisfaction by sharing the context behind a product, such as details on the time and background of its origin ».

La marque nippone réussit le tour de force de pouvoir proposer plusieurs styles avec les différentes marques qu’elle pilote.
Elle s’astreint néanmoins à suive trois lignes directrices :

1.“BIG MINOR SPIRIT”

A travers ses collections BEAMS s’adresse toujours au plus grand nombre : ses vêtements sont facilement portables, loin des marques à l’esprit trop conceptuel.

2. “GLOBAL EYE”

BEAMS est un savant mélange entre une marque fidèle à ses origines japonaises et enrichie d’une perspective mondiale : la firme est constamment à la “recherche de valeur” via des sources diverses, que ce soit des objets mythiques d’hier ou d’autres plus contemporains. Le but est créer une identité de marque qui parle à chaque individualité, quelque soit son identité.

3.“LIFE STYLE CREATOR”

Chaque employé est un ambassadeur de la marque BEAMS et de son style de vie. Je pense encore une fois à Shuhei Nishiguchi, Tatsuya Nakamura ou encore Motofumi Koggi – véritables stars chaque année au Pitti Uomo de Florence – dont la réputation mondiale est principalement bâtie sur leur sens du style.

Test & Avis du manteau Balmacaan

BEAMS s’est notamment fait connaître en Europe avec des pièces d’habillement d’héritage anglais intemporel. Le manteau droit à manches raglan – ou « Balmacaan coat » – fait partie intégrante de ce mythe .

L’histoire du manteau à manche raglan ne commence ni Angleterre, ni en Italie, ni en France mais…en Belgique ! L’héritage de cette pièce est à puiser dans l’Histoire militaire – avec un grand « H » – lors de la bataille de Waterloo, le 18 Juin 1815. Un conflit qui fait environ 65 000 victimes ainsi qu’un nombre de disparus et de blessés considérable. L’un d’eux était l’officier FitzRoy Somerset qui perdit son bras droit. Il lui fallut réapprendre à vivre avec ce handicap. Il (ré)appris à utiliser son bras gauche et gravit les échelons dans l’armée anglaise pour être enfin coiffé au rang de Full General. Pour son courage et son engament, la Couronne l’adoube 1st Baron Raglan. (Raglan est une ville du Royaume-Uni). Il devient donc dès lors Lord Raglan.

Comme la plupart des gentlemen de l’époque, le Baron n’était pas étranger au monde du sur-mesure et consulte son tailleur pour essayer de trouver un moyen de faciliter ses rituels vestimentaires, notamment lorsque enfile chemises et manteaux.Les deux hommes trouvent une technique : au lieu de constituer une manche se cousant directement dans l’emmanchure, l’ingéniosité tient dans la manche qui s’étend en une seule pièce jusqu’au col. Cela permet ainsi plus de mouvement, rendant plus facile l’habillement ou l’utilisation de l’épée.

Ainsi naquit la manche raglan.

Patron d’un manteau à manche raglan : celle-ci n’est pas cousue mais montée directement jusqu’à l’épaule
Source

Venons-en à notre manteau.

Le manteau à manche raglan Beams+ est en Harris Tweed. En prélude de ce test, il convient tout de même de rappeler un bref historique de cette laine chargée d’histoire.

Il n’est pas anodin que BEAMS décide d’employer ce type de tissu.

"Hand woven by the islanders at their homes in the Outer Hebrides, finished in the Outer Hebrides, and made from pure virgin wool dyed and spun in the Outer Hebrides."

Une production 100 % locale

La caractéristique principale de cette laine si particulière est d’être un peu rêche mais surtout très résistante et chaude. Durant des siècles, les habitants des îles des Hébrides extérieures (île Lewis, Harris, The Uists, Bendecula et Barra) tissent la laine à la main ; ils appellent cela clò-mòr ou « grand tissu », plus connu sous le nom d’Harris Tweed. Ce tissu était dans un premier temps destiné à un usage domestique mais devient au fur et à mesure une monnaie d’échange entre les insulaires. Jusqu’au XIXème siècle, le Harris Tweed était donc majoritairement utilisé localement. En 1843, après la mort du 6 ème Earl de Dunmore (comte du Dunmore), propriétaire terrien d’Harris, sa veuve – Lady Dunmore – décide de remplacer son traditionnel tissu tartan avec du Harris Tweed. Son investissement pécuniaire dans la production de cette laine écossaise est retentissant : le tissu est désormais échangé et vendu à travers tout le pays. Le Harris Tweed commence même à se frayer un chemin dans le cercle intime de la Reine Victoria. La machine est en route.

Avec le temps, la demande accrue du Harris Tweed entraîna une production de moindre qualité façonnée par des tisseurs moins expérimentés. En 1909, la marque Harris Tweed est déposée ce qui en assure sa traçabilité et sa qualité. En 1993, le “ Harris Tweed Act “ est passé et le logo ci-dessus est adopté afin de certifier son authenticité.

Manteau Beams Brown Harris Tweed Houndstooth Wool Overcoat

675€ sur MrPorter en 2019

Le « houndstooth » - ou pied-de-poule en Français – est un style d’ornement que je cherchais depuis longtemps. Un manteau Balmacaan devait forcément – dans ma tête – accompagner ce motif. Il faisait partie de ce que je nomme mes « OVC » – Obsessions Vestimentaires Compulsives –, ce sentiment de quête éternelle pour la garde-robe parfaite. Si vous souffrez aussi de ce syndrome, n’hésitez pas à partager vos « OVC » du moment en commentaire.

Passons aux choses sérieuses avec l’analyse du manteau. Une fois n’est pas coutume, j’ai choisi une taille M pour cette pièce. Non pas parce que je suis adepte du size-up – à savoir l’habitude de prendre une taille en plus de sa taille habituelle afin d’avoir de la place pour pouvoir porter un costume ou un gros pull par exemple – mais tout simplement car c’était la seule taille toujours disponible sur l’eshop. L’OVC prend ici tout son sens.

L’étiquette présente sur le manteau : les sources d’inspirations de la marque sont clairement édictées mais en adoptant une approche de “beauté universelle”

Une fois le manteau reçu, je note qu’il est un peu – trop – ample à mon goût et décide de le faire retoucher légèrement : re-cintrage de la taille et diminution des manches de deux centimètres. Pour ce faire, je me suis rendu chez l’excellent tailleur et retoucheur de la rue Pasquier à Paris, Maison Pen.

Avec ou sans écharpe, le manteau reste classique et élégant. A noter une gorge cachée : les boutons ne sont pas visibles lors de la fermeture du manteau et lui confère une ligne d’ensemble plus épurée.

Lorsque je le récupère des retouches, le manteau taille parfaitement : avec un peu d’ampleur – voulue – ainsi qu’une longueur totale sans excès pour autant. J’aime particulièrement ce motif pied-de-poule : un motif tissé directement dans le textile tissé selon un procédé dit « à armure factice ». C'est aussi ce que l’on nomme un tissé teint car les fils sont déjà teints avant le tissage.

Détail du très joli motif « houndstooth » du manteau. L’étiquette arborant le « Harris Tweed Orb », garantissant l’authenticité du tissu, est bien visible

Le manteau est muni de deux poches extérieures ainsi que de deux poches internes. Celles-ci sont larges et très profondes ce qui permet de mettre plusieurs objets sans craindre de les perdre lors d’une balade en forêt/ville. Ce Balmacaan est composé d’une laine 100% Harris Tweed avec une doublure principale en 100% coton et celle des manches en 100% cupro. Le cupro est ce qu’on appelle une fibre textile artificielle. Il faut un procédé chimique pour transformer la cellulose, constituant principal de divers végétaux (tel que le bois, le coton ou le bambou par exemple) en fibres reconstituées. Le cupro est donc issu de procédés chimiques, mais reste néanmoins produit à partir de végétaux ; le tissu en lui-même, une fois fabriqué, est complètement biodégradable ! Les déchets produits pendant ce processus sont d’ailleurs presque 100% recyclés.

C’est donc un très bon point pour ce manteau. BEAMS ne cède pas à la tentation de la doublure traditionnelle 100% polyester utilisée par un bon nombre de marques. Outre le fait que le polyester soit développé à partir d’un dérivée du pétrole rappelons aussi qu’une matière synthétique respire moins bien qu’une matière naturelle.

Autre avantage, et non des moindres, le manteau tient très chaud et constitue une vraie armure contre le froid. J’ai pu le tester lors de rafales de vent assez conséquentes et le résultat est assez surprenant : l’air froid ne transperce pas le manteau. Cela tient à la particularité du Harris Tweed et de son tissage très serré qui garantit une parfaite isolation au porteur. Le Harris Tweed a aussi la particularité d’être « water-resistant ». Certes il ne remplacera pas le tissu technique d’un trench waterproof, mais le tissage particulier de la laine lui confère une bonne protection contre une pluie modérée. Testé et approuvé.

Les manches elles, sont munies de languettes de serrage afin de pouvoir élargir ou non la manche à sa convenance, pour laisser plus de place au niveau du poignet par exemple.
Autre détail très appréciable au niveau du col : un crochet afin de pouvoir fermer les deux pendants qui le constituent. Un bout de tissu formant un pont est aussi fourni afin de pouvoir fermer le col complètement. Cela permet de boutonner le manteau jusqu’au cou et éventuellement de nouer une écharpe afin de faire barrière contre le froid. C’est un détail issu de l’habillement militaire qui garantit une meilleure étanchéité et protection au porteur

Détail d’une manche et de la languette de serrage

Détail du col et de la petite sangle métallique permettant de pouvoir fermer son manteau jusqu’au bout. A noter une fois de plus la présence de l’étiquette du Harris Tweed.

Détail du col et de la petite sangle métallique permettant de pouvoir fermer totalement son manteau. A noter une fois de plus la présence de l’étiquette du Harris Tweed.

Comme mentionné précédemment, la coupe du manteau est plutôt ample et longue : c’est le principe même d’un manteau Balmacaan. C’est un point important sur lequel je souhaite insister : les manteaux longs – terme est toutefois relatif – ne sont pas réservés uniquement aux personnes de grande taille. Il suffit de regarder la photo de M. Kamoshita plus haut – qui mesure moins d’1m75 – pour s’apercevoir que les proportions de sa silhouette sont harmonieuses. A noter également les manches raglan qui suivent la ligne naturelle de l’épaule et adoucissent la silhouette générale du porteur.

CONCLUSION

Le manteau Balmacaan proposé par BEAMS+ est une pièce intemporelle et une valeur sûre dans une garde-robe masculine. C’est également une pièce d’investissement : les matériaux employés pour la confection sont nobles et je sais que je porterai encore ce manteau pendant de nombreuses années.

J’ai tout de même noté deux bémols. Le premier concerne la largeur du col : j’aurai préféré deux pendants plus généreux – à l’image d’une veste Barbour – afin de pouvoir nouer une écharpe autour du cou et de pouvoir faire ressortir le col plus amplement. Mais je chipote, vous savez, l’« OVC »…Le second concerne le lieu de fabrication du manteau. Il est fabriqué en Chine. Certes, aujourd’hui le « Made in China » n’est pas forcément synonyme de finitions bas de gamme ou de mauvaise qualité, mais il est tout de même dommage que BEAMS n’ait pas choisi de confectionner cette pièce au Japon. Peu importe, les finitions sont tout de même au rendez-vous.
Je suis très content de mon manteau Balmacaan et je reçois souvent des compliments lorsque je le porte. C’est une pièce forte, qui dénote, mais qui s’intègre parfaitement dans une tenue, qu’elle soit habillée ou non.

Pour reprendre les mots employés par l’équipe créative, « Beams+ s’inspire des bons vieux styles Américains des années 1960 » : je suis heureux de pouvoir porter une pièce à l’héritage Ivy intemporel.

Texte et photos Marcos Eliades

Instagram: lord_byron1