Village Paris
Un des enjeux majeurs de notre quotidien est celui de l’habillement : comment s’habiller pour affronter le « monde de dehors » ? Certes, cette préoccupation s’est glissée au cadet de nos soucis en ces temps troubles ; mais le vêtement représente à la fois la régularité, la normalité et notre personnalité. Le vêtement rassure en ce qu’il porte notre empreinte, une patine : un col de pull déformé résultat d’un tirage continu par l’habillé, la marque laissée par un portefeuille ou un téléphone portable sur les poches d’un jeans ou encore des plis de marche sur des souliers en cuir. Il est rare que des marques fassent « vivre » le vêtement. Village Paris appartient à cette catégorie grâce à l’utilisation de tissus particuliers et une confection soignée : d’un passionné à un autre, la marque scelle son sceau.
Décryptage.
Histoire de la marque Village Paris
Village naît de l’esprit de Romain Baret en 2018. Ce projet prend cependant racine dans les années 1990, lorsqu’il part réaliser son rêve américain à Los Angeles avec un ami. Ils y ouvrent deux boutiques de vêtements « vintage » sur Melrose Avenue. Denim, militaria, workwear : la Sainte Trinité y est présente. Ces années américaines ont permis à Romain d’acquérir un œil d’expert en la matière.
Après avoir travaillé dans le secteur de nombreuses années, ce n’est que vingt ans plus tard que Romain décide de se lancer en fondant sa propre marque, Village.
« Buy less, buy better »
« Village est une marque parisienne de vêtements, unisexe » nous renseigne le signe de la marque. J’ajouterais qu’elle est une marque à l’héritage américain aux influences japonaises avec un twist à la française. La durabilité dans le vêtement est le credo du fondateur : Romain est animé par l’envie de proposer une qualité haut de gamme, un savoir-faire irréprochable pour un prix abordable.
La marque valorise les fonctions premières du vêtement : habiller de manière confortable en assurant une durabilité, une intemporalité dans les coupes pour hommes et femmes. Village propose des tissus très beaux, par exemple des sweatshirts en coton bouclé fabriqués à Osaka, dans l’une des plus vieilles manufactures de coton du pays.
Village propose de découvrir sa collection sur son site internet ou en boutique au 39 rue Boursault dans le 17ème à Paris. Pour y avoir été, l’endroit est rempli de charme et Romain vous accueillera volontiers pour un café ou une discussion sur le vêtement.
J’ai décidé de parler de deux articles phares du catalogue de la marque : le sweatshirt en coton japonais fabriqué au Japon et la chemise workwear en chambray japonais, fabriquée en France.
Brève histoire du sweat et de la chemise en chambray
Si les origines du sweatshirt remontent aux années 1910 avec l’U.S. Navy – avec le dénommé « Gob shirt » – il adopte la forme qu’on lui connaît aujourd’hui dans les années 1930. Benjamin Russell Jr., un joueur de football américain de l’Université d’Alabama, y contribue fortement.
Las des maillots en laine qui grattent, le joueur a l’idée de les remplacer par du coton, plus doux et confortable. Russell Jr. parle de cette idée à son père Russell Sr., qui décide de la rendre réalité en 1930. Le crew-neck sweater est né.
Si vous souhaitez en apprendre plus sur le cousin du sweat – le hoodie ou sweat à capuche – je vous invite à lire notre test sur Camber.
L’histoire de la chemise en chambray est à la fois bien plus ancienne et géographiquement plus proche de nous. L’histoire du tissu chambray remonte au milieu du XVIème siècle. A ses origines, le chambray est du lin et provient de la ville de Cambrai, au Nord-Est de la France. Ce tissu a la particularité d’être résistant et de haute confection, c’est pour cela qu’il est employé à l’époque dans l’élaboration de pièces telles que des mouchoirs ou encore des chemises.
Il faudra attendre le début du XIXème siècle pour que le chambray soit plébiscité par la classe ouvrière. Les vertus thermorégulantes de ce tissu en font un allié d’exception pour le travail à l’extérieur : en 1901 l’U.S. Navy autorise conjointement l’utilisation de la toile denim – « de Nîmes » – ainsi que chambray. A compter de la Seconde Guerre Mondiale, il était coutume d’apercevoir des matelots en chemise chambray et pantalon denim. Dans toute l’Amérique, les travailleurs adoptent l’uniforme bleu et popularisent l’expression « blue collar workers ».
La structure du chambray :
La toile chambray est le résultat du croisement de deux fils, l’un blanc, l’autre bleu (des variantes chromatiques existent). Le fil blanc est tissé par-dessus le bleu, ce qui assure conjointement au tissu une profondeur ainsi qu’un poids plume. Le chambray peut bien évidemment – tel le denim – être tissé avec une densité plus grande, mais la légèreté du chambray est légendaire.
Quelle est la différence entre la toile denim et le chambray ? Tous deux en coton, ils sont souvent confondus. Leur différenciation se reconnaît grâce au tissage : le chambray est tissé par enchevêtrement – ou tissage uni – avec deux fils de couleurs différentes. Le denim est quant à lui tissé en twill ou armure de sergé : son tissage dessine des lignes ou arrêtes sur les deux faces, qui crée un tissage avec deux fils qui montent et deux qui descendent.
Place désormais aux tests des pièces.
TEST VILLAGE PARIS
Commençons par le sweat. Les sweatshirts de Village taillent amplement – sans excès pour autant – j’ai sélectionné la taille XS. Le sweat a une particularité que j’adore : des manches raglans ! J’en ai parlé ici, là, ou encore ici. Les manches raglans permettent une plus grande liberté de mouvements tout en étant assurément esthétiques. Elles permettent également d’enfiler la pièce facilement et de l’associer aussi bien avec une chemise ou un t-shirt en dessous. C’est une pièce à l’héritage américain très fort, je le porte assez souvent façon Ivy style : jeans blanc droit, mocassins marrons ou noirs et t-shirt crème en-dessous du sweat. As simple as that.
Le sweat coûte normalement 130 €, il est actuellement proposé à 90 € et je l’ai eu en soldes en début d’année pour 60 €, un prix imbattable pour la qualité du produit ! (Edit : en ce moment même à 55 € sur le site internet). J’ai tout de suite été séduit par la couleur du sweat, d’un bleu profond, indigo même, clin d’œil à ses origines japonaises.
Le sweat est confectionné dans un coton bouclé 590 grammes, fabriqué au Japon. Le coton n’est – à mon goût – pas assez épais, j’aurai préféré qu’il le soit encore plus, tel mon hoodie Camber. Cependant, le sweat Village a l’avantage d’être très doux au toucher, ce qui est très agréable. Le col du sweat est ras du cou – ce qu’on nomme donc « crew neck » aux U.S.A. – avec des finitions côtelées.
Qui ne s’est jamais demandé à quoi servait le petit triangle au niveau du cou du sweatshirt ? Non…personne ? Moi si ! Plusieurs explications existent. L’une d’entre elles seraient de permettre de récolter la transpiration excessive de son porteur dans ce fameux triangle, car dans un sweat, on transpire. L’autre raison serait qu’il permet de renforcer les coutures du cou afin qu’il ne se déforme pas. Il faut garder à l’esprit que le sweatshirt se destine initialement à la pratique du sport. Aujourd’hui, ce triangle n’est plus que purement esthétique.
Passons à présent à la chemise en chambray. Le tissu vient également du Japon. Romain, le fondateur, m’avait conseillé de prendre une taille au-dessus de celle que je prenais habituellement car la chemise a tendance à rétrécir au lavage. Selon votre convenance, vous pouvez la choisir plus près du corps ou non, j’ai opté pour cette dernière option en choisissant la taille « 2 ». Ma recommandation pour le lavage est simple : programme délicat, 30 degrés maximum, essorage minimal et surtout pas de séchage en machine ! La particularité du chambray est qu’il s’adoucit après chaque lavage, la toile perd de sa rugosité et devient un réel plaisir sur la peau.
J’ai tout de suite été séduit par l’esthétique de la chemise : il n’y a que six boutons, un choix assumé, ce qui permet de porter la chemise à l’intérieur du pantalon, ou encore à l’extérieur tel une surchemise. J’ai été cependant déçu par la qualité des boutons qui sont en plastique, là où j’aurai préféré qu’ils soient en nacre. Mais le prix n’aurait pas été le même, et je peux toujours les faire changer.
Les poches poitrines avec boutons, façon « œil de chat », sont très esthétiques. Par ailleurs, la longueur des pans du col est généreuse et mesure environ 8 centimètres : c’est ce type de détail que je recherchais dans une chemise en chambray, me permettant à la fois de ne pas tomber dans les affres des petits cols et d’assouvir mes « OVC » – Obsessions Vestimentaires Compulsives.
Le chambray est ici légèrement rigide teinté à l’indigo. La coupe droite de la chemise lui confère un look casual assumé. La couture arrondie en haut du dos assure plus de confort au porteur et les manches sont « à la japonaise » légèrement courtes, bien que la chemise soit fabriquée en France.
Cette chemise en chambray est l’archétype de la chemise workwear des années 60. Elle me fait penser aux chemises Big Mac ou Hercules américaines : des références. Le chambray est un tissu casual par excellence, je ne conseillerais par de la porter sous un costume, cela n’aurait pas de sens. Vous pouvez cependant l’intégrer sous un blazer et même porter une cravate en tricot autour du cou pour jouer sur le registre casual/formel.
Conclusion
Le sweat et la chemise en chambray sont des classiques du vestiaire masculin. Il est toujours plaisant de découvrir une jeune nouvelle marque qui propose des vêtements bien conçus et bien faits. Un village fédère, tout comme la marque parisienne.
Je ne peux que recommander ces deux pièces. Elles représentent pour moi des « essentiels nécessaires » : tels de bons copains, on peut compter sur eux à toute épreuve.
Marcos Eliades
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