La Botte Gardiane - Visite de l'atelier de la célèbre marque camarguaise
Après Paraboot plus tôt dans l’année, nous avons eu la chance de visiter l’atelier d’une seconde pépite de la chaussure française, La Botte Gardiane. Direction le Sud de la France, du côté de Nîmes pour découvrir la fabrication des célèbres bottes des Gardians Camarguais.
On a été acceuilli par Julien, l’un des codirigeant de la Botte Gardiane. Cette visite s’est faite à l’occasion des journées européennes du patrimoine à la mi-septembre. L’atelier ouvre d’ailleurs régulièrement ses portes, n’hésitez pas à y faire un saut dès que l’occasion se présente. Sans compter que la région regorge de trésors.
Bienvenue chez La Botte Gardiane
Notre visite s’est déroulé en deux étapes. Tout d’abord une introduction sur l’histoire et les valeurs de La Botte Gardiane puis dans un deuxième temps une visite de l’atelier et de toutes les étapes de fabrications des chaussures de la marque.
Petit retour en arrière. Nous sommes au lendemain de la seconde guerre mondiale. Le Gard et le Languedoc-Roussillon sont alors des bassins très fertiles pour de nombreux métiers du textile : usines de confection, filatures, tisserands ou magnaneries (bâtiments destinés à l’élevage des vers à soie). À cette époque l’industrie du vêtement tourne à plein régime et emploie bon nombre de personnes dans la région Occitanie. Un exemple avec Millau, capitale du gant, qui comptait jusqu’à plus de 5000 salariés dans ce secteur. Il en reste aujourd’hui moins d’une cinquantaine.
En 1973 arrive le premier choc pétrolier ainsi que les accords sur la libéralisation des marchés mondiaux qui permettent de réduire les droits de douane sur des centaines de milliers de produits. Les importations sont en pleines croissance et dans le même temps le pouvoir d’achat baisse. Les ateliers de la région fermeront leurs portes les uns après les autres. De 60 fabricants de chaussures dans la ville de Nîmes, on passe à 0 dans les années 90. Une histoire qui se répète également pour les tanneries, elles passent de 600 à une quarantaine de nos jours. Elles ont en partie été conservé grâce aux maisons de luxe. Le déclin économique s’accompagne d’une montée en gamme.
En 1995, alors que la société est composée de 5 personnes, elle est rachetée par Mr Michel Agulhon, son dirigeant actuel. Un pari fou dans une époque où des entreprises textiles ferment toutes les semaines. Sans compter que le made in France est considéré à ce moment-là comme désuet. Plus personne n’achète français.
Dix plus tard, l’entreprise est en difficulté. Michel Agulhon tente alors un dernier salon professionnel à Paris, chez l’ancêtre de l’actuel Who’s Next. Beaucoup de clients internationaux sont séduits, notamment des Japonais. À cette époque le Japon est le deuxième marché pour l’industrie du luxe juste derrière les États-Unis. Ils raffolent particulièrement des entreprises avec une longue histoire et un savoir-faire spécifique. Le succès est au rendez-vous.
Mais une semaine après, nouveau coup dur. De fortes inondations touchent l’ensemble de l’usine. Les archives, les matières, les stocks, les machines…tout est détruit. Pour la famille, cela sonne la fin de l’aventure. Mais les salariés s’accrochent et commencent à nettoyer. Le fondateur et ses enfants (Antoine, Julien et Fanny) vont alors démonter toutes les machines, changer les moteurs et relancer la production 25 jours après. L’entreprise fait à nouveau preuve de résilience.
En décembre, les premières productions sont livrées aux clients Japonais, le pari est gagné. C’est un véritable engouement au pays du Soleil-Levant. En 2003 la moitié de la production part à l’export. La qualité doit être irréprochable. Une histoire d’amour qui dure depuis plus de 10 ans.
Deuxième rencontre marquante, la marque Céline en 2004. Mickael Kors, alors directeur artistique de la maison commande 2500 paires de bottes camarguaise (plus de 30% du CA à cette époque) en marque blanche. Au-delà de la notoriété et du chiffre d’affaire, la marque de luxe française apporte avec elle un cahier des charges exigeant et de nouveaux fournisseurs de matières premières telle que la tannerie italienne Conceria Ambassador, spécialisée dans le velours.
Depuis lors les modèles ne sont plus cantonnés à la Botte Camarguaise. On dénombre jusqu’à 380 modèles différents et 109 coloris et textures.
Les chaussures sont bien entendu réparables, talons, semelles…tout est possible.
L’année 2012 marque l’ouverture de leur première boutique parisienne, puis 2014 la deuxième dans le marais.
LA PRODUCTION
Aujourd’hui chez La Botte Gardiane, 100% des fournisseurs sont Européens, 65% de leur peausserie viennent de France dont Degermann en Alsace. Le cuir pour les semelles vient d’Espagne, les cuirs techniques d’Italie.
L’ensemble des produits sont confectionnés sur place, sans aucun sous traitant. Il est intéressant de noter que personne n’est mono-tâche dans la chaîne de production. L’ensemble du personnel est formé sur plusieurs machines, ils sont polyvalents. Une organisation qui rend à la fois le travail plus intéressant mais aussi la production plus robuste au sens où les savoirs-faire sont partagés par plusieurs personnes.
2018 marque l’inauguration de la nouvelle usine (celle que nous avons justement visité) et du magasin accolé. Ces nouveaux bâtiments on permis de pousser en plus loin la réflexion sur le bien être des salariés, aussi bien au niveau acoustique, que des lumières, de l’air, de la déperdition énergétique…tout est fait pour qu’ils se sentent bien. Ils bénéficient même d’un compte-temps qui leur permettent d’organiser leurs emplois du temps à leur convenance.
VISITE DE L’ATELIER
Côté atelier, c’est pas moins d’une vingtaines de grandes étapes et 150 opérations qu’il faut pour produire la plupart des chaussures La Botte Gardiane.
Elles nous ont toutes été soigneusement présentées au cours de cette visite. Mais si l’on devait retenir deux choses, ça serait dans un premier temps qu’il y a pas de miracle, une bonne chaussure c’est avant tout un bon cuir.
La Botte Gardiane travaille depuis des décennies avec l’un des meilleurs cuir au monde, retanné à la graisse chaude et prêt pour durer au moins quart de siècle. Ce cuir épais de chez Degermann est extrêmement résistant, il ne craquelle pas et il supporte très bien l’eau.
Cette visite fût également l’occasion de rappeler que le cuir est l’un des meilleurs exemples d’upcycling car il s’agit d’un déchet provenant l’industrie alimentaire, que ce soit les vaches laitières ou les races à viande.
Julien a également évoqué les différents types de tannage, notamment le tannage au chrome et le tannage végétal, rappelant au passage que ce dernier n’est d’ailleurs pas écologique en soi. Végétal ne veut pas dire vert. Quid par exemple de l’utilisation massive du quebracho (un arbre provenant d’Amérique du Sud) ?
Il est surtout vrai qu’avec l’aide du chrome, le processus de tannage est grandement accéléré. Il permet aussi une meilleure souplesse, une variété de couleur, ainsi qu’une meilleure tenue dans le temps. Aussi, 99% de la production mondiale actuelle est tannée à l’aide de chrome. À la sortie du foulon, après 24h et le mélange avec les sels de chrome, les peaux ressortent bleus. Ce sont les Wet Blue. Il peut alors être stocké sans limite de temps. Puis vient la coloration et la phase de séchage.
Deuxième point marquant, il s’agit de l’un des derniers atelier français capable de réaliser des montages cloutés. Le montage traditionnel des Bottes Gardiane consiste à coller et clouer des semences inoxidables. Ces clous traversent toutes les épaisseurs du montage. C’est aussi pour cette raison que les formes sont ferrés, car le clou traverse jusqu’à venir se river sur la forme en fer. C’est cette opération qui va tenir la chaussure. La colle sert uniquement à fixer l’intercalaire.
Chaque clou est ensuite retapé pour maximiser l’écrasement des couches et que le tout ne bouge pas. Contrairement au fil qui peut bouger dans le temps, ce montage est plus solide. Une bonne partie des modèles sont conçus ainsi - notamment toutes les camarguaises. Par contre cela rend la chaussure très rigide.
On estime qu’une paire de bottes, en respectant les phases de séchage, peut être produite en 3h30.
Dernier point marquant de notre visite, la personnalisation. La marque s’adapte à la volumétrie du pied, jusqu’à 35% de leurs modèles sont des exemplaires uniques.
Les formes peuvent être adaptées aux pieds de chacun si les paires en prêt-à-porter ne conviennent pas à votre morphologie.
Il est également possible de choisir votre cuir ou vos semelles. De quoi créer votre modèle unique de chaussures. Faites en France.
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